Nous avons tous tendance à juger les autres d’après leur apparence mais est-il possible de lire sur le visage d’un individu son caractère et son avenir ?
Les facultés manifestées par des hommes comme Cheiro, le célèbre chiromancien, donnent à penser que nous avons dans nos mains l’image de nos qualités et de nos défauts ainsi que celle de notre avenir. D’autres ont soutenu que la conformation des traits du visage donnait une idée du caractère ou du destin probable d’un individu. Qu’y a-t-il de vrai dans ces théories ? Pourquoi les chiromanciens tombent juste si souvent ?
Par une belle matinée d’été de juillet 1894, le chiromancien Cheiro qui comptera parmi ses clients le roi Édouard VII d’Angleterre, l’humoriste Mark Twain, l’espionne Mata Hari et les stars de cinéma Lillian Gish et Mary Pickford marchait à grands pas dans Whitehall, à Londres, pour se rendre au ministère de la Guerre. Il y avait été convoqué par l’un des plus célèbres soldats de l’armée britannique, Horatio Kitchener. Cheiro franchit l’entrée majestueuse mais obscure et fut dirigé vers un grand bureau lambrissé d’acajou, au premier étage. Kitchener l’y attendait debout, serrant nerveusement ses mains dans son dos. Il lui indiqua un siège et, après quelques instants d’une conversation banale, il se pencha brusquement en avant. Il marqua une pause, lissa son abondante moustache et dit avec embarras :
« Je veux que vous me révéliez mon avenir. Quelque chose me tracasse et je ne sais ce que c’est. Pensez-vous pouvoir me mettre l’esprit en repos ? »
Observant le physique et le comportement de Kitchener et notant qu’il était incapable de rester tranquille, Cheiro avait déjà conclu qu’il avait devant lui un homme d’un courage et d’une détermination sans limites. Mais ce même homme était en danger. Il semblait être miné par quelque chose dans lequel il ne voulait pas croire, le Destin. Le chiromancien demanda alors à son client d’étendre sa main droite, celle où l’on peut lire l’avenir d’un indi-vidu. Après l’avoir étudiée quelques minutes, Cheiro releva la tête et dit avec calme : « Je ne vois rien d’autre pour vous que du succès et des honneurs au cours des vingt prochaines années. Vous deviendrez l’un des hommes les plus célèbres de ce pays et même du monde. Mais ensuite votre vie sera dangereusement menacée. Je vois un naufrage dans votre soixante-sixième année. Ce qui ne signifie pas, d’ailleurs, que votre mort est inéluctable. Si vous ne voyagez pas sur mer pendant l’année 1916, vous vivrez et mois-sonnerez encore plus de gloire et de richesse. » A l’époque Kitchener avait quarante-quatre ans et, comme Cheiro l’avait prédit, de grands succès militaires l’attendaient. Quatre ans plus tard, il s’empare de Khartoum. Puis il se distingue en Afrique du Sud contre les Boers. Enfin, lorsque la Première Guerre mondiale éclate, il est nommé ministre de la Guerre de Grande-Bretagne. En 1916, devenu Lord Kitchener, il est invité par le tsar à venir en Russie pour y discuter du rôle de ce pays contre l’Allemagne. Négligeant l’avertissement de Cheiro et ne pensant qu’à la cause des Alliés, le ministre s’embarque dans une base navale du nord de l’Écosse pour gagner le port russe d’Ar-khangelsk. Le croiseur à bord duquel il a pris place, le H.M.S. Hampshire, est encore dans les eaux britanniques quand, le 5 juin à 17 h 40, il heurte une mine allemande et coule entraînant avec lui la plus grande partie de son équipage. Kitchener, qui se trouvait dans le poste des aspirants quand l’explosion se produisit, disparut dans l’Atlantique. On ne retrouva jamais son corps. Par la suite, Cheiro raconta son entrevue avec le défunt maréchal et dit « Sa ligne de vie permettait d’escompter une vie longue dans des conditions normales, mais ma prédiction… reposait sur la croix se trou-vant au bout de la ligne de voyage en face de l’âge de soixante-six ans. » Pourquoi avait-il pris la mer ? Cheiro, de son vrai nom comte Louis Hamon, était né en Irlande en 1886 et emprunta son pseudonyme au mot grec kheir (main). Il est encore considéré comme une des principales autorités en matière de chiromancie. En lisant les lignes de la main de Kitchener, Cheiro ne fit qu’appliquer les règles consacrées et élémen-taires de la chiromancie, celles qu’il convient de suivre. Il ne posa pas de questions personnelles à Kitchener mais sans attendre retourna la main droite de son client pour l’étudier. (La main gauche correspond à la nature et au caractère du sujet.)
Néanmoins, avant d’examiner les lignes, il classa la main tout entière dans l’un des sept groupes principaux définis par le chiromancien français Casimir d’Arpentigny :
- mains communes au pouce court et aux doigts épais et courts, qui indiquent un travailleur manuel plutôt qu’un intellectuel
- mains carrées, de dimensions moyennes et aux doigts puissants et bien développés, qui sont signe de sens pratique, de précision, de modération et de persévérance
- mains philosophiques au pouce et à la paume allongés, avec des doigts aux jointures noueuses, qui révèlent quelqu’un de décidé et peu impressionnable